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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 22:03
« C'est la “spirale” de ce processus “sans fin et sans mesure”, par lequel l’argent se produit lui-même, par lequel la valeur se valorise elle-même indéfiniment, que Marx nomme capital : le capital est “l’argent se produisant lui-même (das Geld ais sich seIbst produzierend)”, “l’autovalorisa¬tion de la valeur” (die Selbstverwertung des Werts). (…) Le capital est “valeur se valorisant elle-même” (sich selbst verwertende Wert), c’est là la définition du capital le plus souvent donnée par Marx. “Le capital produit essantiellement du capital (das Kapital produziert wesentlich Kapital)”, la tautologie de l’autoproduction de soi constitue ainsi son essance, et Marx répète que ce processus n’est pas une vue de l’esprit, mais un processus effectivement à l’œuvre dans le dispositif de production : “Ceux qui considèrent l’autonomisation de la valeur comme une pure abstraction oublient que le mouvement du capital industriel est cette abstraction in actu.”
[272] Comment cependant la valeur peut-elle s’accroître elle-même ? Comment le processus A-M-A' est-il possible ? La mise au jour du différentiel interne à la production constitue en effet une énigme. L’échange en lui-même ne saurait rapporter de l’argent : au contraire il en coûte. Si j’investis une somme d’argent en marchandises pour les revendre et en tirer ainsi un profit, l’opération en elle-même est une dépense, puisqu’il faut bien, non seulement acheter ces marchandises, mais les transporter, les entreposer, les distribuer, etc. Or de fait, à la fin, l’opération est rentable : la somme finale est supérieure à la somme initiale. Pour expliquer ce phénomène, il faut donc supposer qu’il y a, dans la série des échanges, une marchandise unique en son genre dont l’achat rapporte de l'argent au lieu d’en coûter, une marchandise dont la consommation soit production au lieu d’être destruction, dont l’usage ne soit pas usure mais création. Or une telle marchandise existe : c’est, précisément, la puissance de travail. Le travail est en effet en son essance une activité de valorisation, une “activité qui pose de la valeur”. Acheter de la puissance de travail, c’est acheter un potentiel de valeur, que l’usage va réaliser : précisément parce qu’il a montré que c’est la puissance de travail qui est vendue, Marx peut montrer que la consommation de cette puissance est son actualisation, c’est-à-dire valorisation. En s’appliquant à un matériau, le travail lui procure en effet une valeur supérieure à la valeur qu’avait ce matériau initialement : il lui ajoute de la valeur, et on peut en cela nommer “valeur ajoutée” le résultat du travail. Le pain a une valeur supérieure à la farine, et la forme-pain constitue la valeur ajoutée par le travail du boulanger. En économie traditionnelle cependant, le producteur consomme son pain et détruit donc immédiatement sa valeur. L’usage du travail ne peut donc créer de la survaleur que si la valeur ajoutée n’est pas entièrement consommée par son producteur, si celui-ci n’en récupère qu’une partie.
astérix_al16pl4c3_faisonsLePartage La partie de la valeur ajoutée qui revient au travailleur est précisément le salaire, et le dispositif de production de survaleur repose dès lors sur la répartition de la valeur ajoutée en salaire (qui revient à l’employé) et survaleur (qui revient à l’employeur). Plus bas est le salaire, plus grande la survaleur.
astérix_al16pl4c4_VoiciPourMoi Si par exemple j’achète aujourd’hui des marchandises en [273] Chine pour les revendre en France, j’en retirerai un substantiel bénéfice alors même qu’il me faudra payer leur transport sur des dizaines de milliers de kilomètres : c’est qu'effectivement leur prix de revente est tellement supérieur à leur prix d’achat que le différentiel permet d’absorber le coût du transport. Or ce n’est évidemment pas leur voyage en mer qui a profité à mes marchandises, ce n’est pas le changement de climat qui leur révèle des qualités insoupçonnées : la différence de valeur est fondée sur la différence du coût du travail, et c’est le niveau extrêmement bas des salaires en Chine qui fonde la survaleur finale. Le processus de valorisation de la valeur repose sur l’augmentation au maximum de la survaleur, donc de la diminution au minimum de la masse salariale (que ce soit par le biais de salaires misérables comme en Chine, ou du chômage de masse comme en France) : la production de survaleur repose en cela sur l'exploitation du travail. »

Jean Vioulac, L’époque de la technique,
Marx, heidegger et l’accomplissement de la métaphysique,
Paris, Puf, 2009 (Épiméthée), 328 p., p. 269-271.
Vioulac-Technique

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