Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : L'atelier
  • L'atelier
  • : Blog de la PTSI-A du lycée Gustave Eiffel (Bordeaux) : autour du cours de physique chimie, et bien au-delà...
  • Contact


Archives

3 septembre 2010 5 03 /09 /septembre /2010 17:48

RousseauNouvelObsLe dernier hors-série du Nouvel Observateur pourrait vous être utile puisqu'il est  entièrement consacré à Rousseau.

Voici un premier extrait de l'article consacré à La profession de foi du vicaire savoyard  (1761) que vous avez au programme de Français-Philosophie :

 

« Rousseau est l’homme des ruptures. Elles scandent non seulement une existence personnelle agitée, mais aussi les étapes d’une pensée théorique créatrice. Là même où il ne semble que reprendre des idées dans l’air du temps (religion naturelle, éducation publique, tolérance religieuse), Rousseau renouvelle profondément tout ce qu’il touche. Qui ne se rappelle l’envolée lyrique à l’apogée de la « Profession de foi du vicaire savoyard », ce texte d’une centaine de pages qui forme une sorte d’opuscule détachable au cœur de l’« Emile » ?

 

“Conscience, conscience! instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rend l’homme semblable à Dieu.”

(p. 90 )

 

Que veulent dire et qu’impliquent ces mots ? D’abord la nécessité de ne plus s’en tenir à la tradition classique des preuves de l’existence de Dieu. Certes Rousseau reprend ces preuves, dans toute la première partie du discours du vicaire, et il y souscrit, s’inscrivant dans le sillage de « l’illustre Clarke ». Mais c’est pour ajouter que toutes ces preuves ne sont pas décisives à elles seules. La nouveauté du discours rousseauiste dans le champ philosophique consiste à reconnaître que les arguments contraires à l’existence de Dieu, et qui concluent à l’athéisme, ne sont pas moins probants par eux-mêmes. Non seulement les raisons de douter sont nombreuses — et il s’en présente toujours de nouvelles — mais de plus les arguments contre l’existence de Dieu ont de la solidité. D’intelligence bornée et incapables de trancher, les hommes seraient donc dans l’indécidable sans la voix de la conscience qui fait pencher la balance de façon décisive. 

Que dit cette voix de la conscience ? Qu’il faut faire le bien, qu’elle indique avec sûreté, et que cette exigence remonte à quelque chose qui nous dépasse, que l’on nomme Dieu ; un Dieu qui récompensera la pratique du bien et le sens de la justice ; un Dieu qui rétablira un ordre le plus souvent renversé voire méprisé dans l’univers social, où le juste souffre tandis que l’injuste est régulièrement admiré. Rousseau estime d’ailleurs être lui-même un exemple de juste bafoué, désirant toujours le bien et la vertu, même s’il admet n’avoir pas toujours su être vertueux. Il se sait parfois faible devant les hommes et leurs faux-semblants, mais il sait également qu’il ne méritait pas d’être rejeté et condamné comme il l’a été. La voix de la conscience est ainsi la consolation du juste en butte aux méchants. Mais comment se fait-il qu’elle ne s’impose pas à tous avec évidence ? C’est là que la critique sociale de Rousseau prend toute son importance en matière morale et religieuse : la conscience est fragile, et le monde social et politique, tel que les hommes l’ont bâti par toute une série de fâcheuses circonstances, étouffe les principes fondamentaux du droit naturel (l’amour de soi et la pitié qui régulent spontanément l’activité de l’homme à l’état de nature) en les faisant dégénérer en amour-propre à travers la concurrence généralisée pour ravir à son voisin la supériorité dans la considération sociale.


Il ne faut pas confondre l’amour-propre et l’amour de soi-même, deux passions très différentes par leur nature et par leurs effets. L’amour de soi-même est un sentiment naturel qui porte tout animal à veiller à sa propre conservation, et qui, dirigé dans l’homme par la raison et modifié par la pitié, produit l’humanité et la vertu. L’amour-propre n’est qu’un sentiment relatif, factice, et né dans la société, qui porte chaque individu à faire plus de cas de soi que de tout autre, qui inspire aux hommes tous les maux qu’ils se font mutuellement.”

(Discours sur l’origine et les fondements des inégalités parmi les hommes (1755)) 

 

Dans la société politiquement mal constituée du faux contrat social, l’homme ne vit que par le regard des autres et ne sait plus se rapporter à lui-même dans le silence des passions. Il est ainsi dénaturé, corrompu, et en vient à ne plus savoir qui il est dans l’ordre des choses, c’est-à-dire à ne plus savoir simplement écouter la voix de la conscience qu’une éducation menée selon la nature aurait immanquablement ménagée. »

Ghislain Waterlot, La foi du vicaire,

Le Nouvel Observateur (hs no76 juillet/août 2010)

 


Partager cet article

Repost0

commentaires