[520 | 375] Série XXIII > GF, p. 170. | « [J’ai passé longtemps de ma vie en croyant qu’il y avait une justice et en cela je ne me trompais pas, car il y en a selon que Dieu nous l’a voulu révéler. Mais je ne le prenais pas ainsi, et c’est en quoi je me trompais, car je croyais que notre justice était essentiellement juste, et que j’avais de quoi la connaître et en juger. Mais je me suis trouvé tant de fois en faute de jugement droit, qu’enfin je suis entré en défiance de moi et puis des autres. J’ai vu tous les pays et hommes changeants. Et ainsi après bien des changements de jugement touchant la véritable justice, j’ai connu que notre nature n’était qu’un continuel changement, et je n’ai plus changé depuis ; et si je changeais, je confirmerais mon opinion.* Le pyrrhonien Arcésilas** qui redevient dogmatique.] » |
*/ Souvenir de Montaigne, Essais III, 13
**/ Arcésilas de Pitane (IVe-IIIe s. av. J.-C.), fondateur de la Nouvelle Académie, « Archésilas, que le bien consiste à résister et maintenir droit et inflexible son jugement, tandis que les vices et les maux viennent de ce que l’on consent et accepte. Il est vrai qu’en énonçant ceci comme un axiome catégorique, il s’éloignait du Pyrrhonisme. Car les Pyrrhoniens, quand ils disent que le souverain bien, c’est l’ataraxie, qui est l’immobilité du jugement, n’entendent pas dire cela de façon affirmative : ce mouvement de leur âme qui leur fait fuir les précipices et se préserver de la fraîcheur du soir, c’est celui-là même qui leur fait aussi accepter une opinion et en repousser une autre. » (Trad. en français moderne, éd. de 1595, par Guy de Pernon ; p. 317)