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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 18:41
« c) L'autovalorisafion de la valeur. — L’argent fonde la possibilité de la fusion de tous les travaux particuliers dans une substance commune, et l’autonomisation de cette substance par rapport aux travailleurs concrets : il est la substance même du travail universel abstrait en tant que celui-ci devient instance de production autonome. Reste à savoir comment ce travail universel abstrait déploie sa puissance, quelle est la logique de sa mise en œuvre. Or l’analyse des formes-valeurs a déterminé d’emblée la spécificité du système économique contemporain, qui est de produire des marchandises, c’est-à-dire des valeurs d’échange. Le salariat est la base d’une économie marchande, qui ne produit jamais que pour vendre les résultats de la production, et en retirer ainsi de l’argent. En économie traditionnelle, l’échange part d’une marchandise M dont le possesseur n’a plus l’usage, la convertit en argent A pour ensuite acheter une autre marchandise qui, elle, lui sera utile : l’échange est donc M1-A-M2. L’échange caractéristique de l’économie moderne consiste au contraire à partir d’une certaine somme d’argent, à l’investir en achetant des marchandises, pour à la fin obtenir de l’argent : l’échange est donc A-M-A'. L'argent acquiert donc le statut d’instance et de fondement du système de production quand il en constitue également la finalité. Or l’argent est quantité pure : se prendre [270] pour fin, pour l’argent, c’est rechercher un accroissement quantitatif.
Kitrby_Doom-Surfer Dans l’échange traditionnel, la fonction de l’argent n’est que celle d’équivalent, et par principe les marchandises échangées ont une même valeur : dans la formule M1-A-M2, on a toujours M1=M2. Si l'échange est utile en dépit de cette égalité, c’est que les marchandises sont ici en réalité des choses utiles, elles sont choses particulières entièrement définies par des qualités distinctes, qui diffèrent d’une chose à l’autre, et l’échange se fonde en dernière instance sur les besoins différents d’individus différents. L’économie contemporaine quant à elle n’échange pas des biens utiles, mais des valeurs, c’est-à-dire des quantités d’argent ; or n’importe quel billet de 20 € est strictement équivalent à un autre billet de 20 €, et leur échange est dénué de sens : l’échange n’est rentable que s’il permet un accroissement de la somme initiale. Dans la formule A-M-A', on a toujours A' > A, et le moteur de ce système de production est donc le différentiel entre A' et A, c'est-à-dire “cet incrément, l’excédent qui dépasse la valeur primitive” que Marx appelle “plus-value” ou plus littéralement “survaleur”. Cette découverte permet d’emblée d’identifier la spécificité de l’économie contemporaine, comme production de survaleur. En dépit des apparences, le système économique contemporain n’est pas un dispositif de production de biens de consommation, de choses utiles, il est un dispositif de production de valeurs, mu par une dynamique de “valorisation de la valeur” (Venvertung des Werts). Si donc l’argent détient la puissance collective du travail — parce qu’il la constitue comme puissance collective autonome —, il n’en use jamais que pour produire de la valeur, c’est-à-dire pour se produire lui-même et s’accroître lui-même. Que la richesse abstraite, la quantité d'argent, soit la finalité du dispositif de production constitue la spécificité du système : “Chez les Anciens”, notait ainsi Marx, “la richesse n’apparaît pas comme fin en soi [...] L’opinion ancienne selon laquelle l’homme apparaît toujours comme la finalité de la production, quel que soit le caractère borné de ses déterminations nationales, religieuses, politiques, semble d’une grande élévation au regard du monde moderne, où c’est la production qui apparaît comme la finalité de l’homme, et la [271] richesse comme finalité de la production.” (…) Dans ce type d'échange, “le commencement et la fin sont une seule et même chose, à savoir l'argent, la valeur d'échange, et pour cette seule raison le mouvement est sans fin” : le processus de production de valeur est donc une vis sans fin, une valorisation de la valeur qui ne rencontre jamais de limites. »
Jean Vioulac, L’époque de la technique,
Marx, heidegger et l’accomplissement de la métaphysique,
Paris, Puf, 2009 (Épiméthée), 328 p., p. 269-271.
Vioulac-Technique

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commentaires

F
<br /> Si je comprends bien l'analogie, l'argent c'est du krackle.<br /> <br /> <br />
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Q
<br /> <br /> Presque ;-) L'argent dans l'économie moderne joue le rôle de l'énergie dans le mythe chez Jack Kirby.<br /> Le crackle n'est que la manifestation graphique "par un motif d'éclair parsemé de petits cercles noirs (peut-être par référence aux scotomes que fait naître la contemplation d'une vive<br /> lumière)" de cette "énergie illimitée" dont les "êtres démiurgiques (...) sont détenteurs" (Morgan&Hirtz, p. 132) et que d'autres ne cessent de chercher à posséder.<br /> Ainsi Doctor Doom, par le moyen d'une "machine providentielle" (id., p. 94) (=M), vole au Silver Surfer (=Surfer d'Argent [!]) son pouvoir cosmique (cosmic<br /> power=A) afin d'obtenir des "powers without limits" (=A').<br /> On retrouve la chaîne A-M-A' dont le but n'est point d'obtenir M mais A'>A.<br /> <br /> <br /> PS : Pour la description complète du mythe chez Jack Kirby, lire le très beau et très bon (*) Les Apocalypses de Jack Kirby, Harry Morgan, Manuel Hirtz, Lyon, Les Moutons électriques,<br /> 2009, 208 p. (Bibliothèque des Mirroirs)<br /> <br /> (*) ce qui ne veut pas dire parfait ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> <br />