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  • : Blog de la PTSI-A du lycée Gustave Eiffel (Bordeaux) : autour du cours de physique chimie, et bien au-delà...
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11 novembre 2009 3 11 /11 /novembre /2009 12:58

« Ce monde moderne a fait à l’humanité des conditions telles, si entièrement et si absolument nouvelles, que tout ce que nous savons par l’histoire, tout ce que nous avons appris des humanités précédentes ne peut aucunement nous servir, ne peut pas nous faire avancer dans la connaissance du monde où nous vivons. Il n’y a pas de précédents. Pour la première fois dans l’histoire du monde les puissances spirituelles ont été toutes ensemble refoulées non point par les puissances matérielles mais par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l’argent. Et pour être juste il faut même dire : Pour la première fois dans l’histoire du monde toutes les puissances spirituelles ensemble et du même mouvement et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un même mouvement qui est le même ont été refoulées par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l’argent. Pour la première fois dans l’histoire du monde toutes les puissances spirituelles ensemble et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un seul mouvement et d’un même mouvement ont reculé sur la face de la terre. Et comme une immense ligne elles ont reculé sur toute la ligne. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation et sans mesure.
mammon1884-1885-GeorgeFrederickWatts1817-1904Mammon (1884-1885) -- George Frederick Watts [1817-1904]
Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit. (Et même il est seul en face des autres matières.)
Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul devant Dieu.
Il a ramassé en lui tout ce qu’il y avait de vénéneux dans le temporel, et à présent c’est fait. Par on ne sait quelle effrayante aventure, par on ne sait quelle aberration de mécanisme, par un décalage, par un dérèglement, par un monstrueux affolement de la mécanique ce qui ne devait servir qu’à l’échange a complètement envahi la valeur à échanger.
Il ne faut donc pas dire seulement que dans le monde moderne l’échelle des valeurs a été bouleversé. Il faut dire qu’elle a été anéantie, puisque l’appareil de mesure et d’échange et d’évaluation a envahi toute la valeur qu’il devait servir à mesurer, échanger, évaluer. L’instrument est devenu la matière et l’objet et le monde.
C’est un cataclysme aussi nouveau, c’est un évènement aussi monstrueux, c’est un phénomène aussi frauduleux que si le calendrier se mettait à être l’année elle-même, l’année réelle, (et c’est bien un peu ce qui arrive dans l’histoire) ; et si l’horloge se mettait à être le temps ; et si le mètre et ses centimètres se mettait à être le monde mesuré ; et si le nombre avec son arithmétique se mettait à être le monde compté.
De là est venue cette immense prostitution du monde moderne. Elle ne vient pas de la luxure. Elle n’en est pas digne. Elle vient de l’argent. Elle vient de cette universelle interchangeabilité.
Et notamment de cette avarice et de cette vénalité que nous avons vu qui étaient deux cas particuliers, (et peut-être et souvent le même), de cette universelle interchangeabilité.
Le monde moderne n’est pas universellement prostitutionnel par luxure. Il en est bien incapable. Il est universellement prostitutionnel parce qu’il est universellement interchangeable.
Il ne s’est pas procuré de la bassesse et de la turpitude avec son argent. Mais parce qu’il avait tout réduit en argent, il s’est trouvé que tout était bassesse et turpitude. »

Charles Péguy,
« Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne » (1914)

Œuvres en prose complètes,
Paris, Gallimard (Pléiade), 1992, pp. 1455-1456.

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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 23:24

Kirby_SilverSurfer
« L'argent est la seule création culturelle qui soit de pure énergie, qui se soit complètement abstraite de son support matériel, n'étant plus qu'absolu symbole. Il est le plus significatif des phénomènes de notre temps dans la mesure où sa dynamique a envahi le sens de toute théorie et de toute pratique. Qu'il soit pure relation (et en cela tout à fait représentatif de son temps), sans renfermer quelque contenu de la relation, ne contredit cela en rien. Parce que dans la réalité, l'énergie n'est riend 'autre que de la relation. »
Georg Simmel, dans son Journal
cité par Alain Deneault dans L'argent dans la culture moderne
et autres essais sur l'économie de la vie,
Les Presses de l'Université de Laval /
Maison des Sciences de l'Homme, 2006.
Simmel

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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 22:03
« C'est la “spirale” de ce processus “sans fin et sans mesure”, par lequel l’argent se produit lui-même, par lequel la valeur se valorise elle-même indéfiniment, que Marx nomme capital : le capital est “l’argent se produisant lui-même (das Geld ais sich seIbst produzierend)”, “l’autovalorisa¬tion de la valeur” (die Selbstverwertung des Werts). (…) Le capital est “valeur se valorisant elle-même” (sich selbst verwertende Wert), c’est là la définition du capital le plus souvent donnée par Marx. “Le capital produit essantiellement du capital (das Kapital produziert wesentlich Kapital)”, la tautologie de l’autoproduction de soi constitue ainsi son essance, et Marx répète que ce processus n’est pas une vue de l’esprit, mais un processus effectivement à l’œuvre dans le dispositif de production : “Ceux qui considèrent l’autonomisation de la valeur comme une pure abstraction oublient que le mouvement du capital industriel est cette abstraction in actu.”
[272] Comment cependant la valeur peut-elle s’accroître elle-même ? Comment le processus A-M-A' est-il possible ? La mise au jour du différentiel interne à la production constitue en effet une énigme. L’échange en lui-même ne saurait rapporter de l’argent : au contraire il en coûte. Si j’investis une somme d’argent en marchandises pour les revendre et en tirer ainsi un profit, l’opération en elle-même est une dépense, puisqu’il faut bien, non seulement acheter ces marchandises, mais les transporter, les entreposer, les distribuer, etc. Or de fait, à la fin, l’opération est rentable : la somme finale est supérieure à la somme initiale. Pour expliquer ce phénomène, il faut donc supposer qu’il y a, dans la série des échanges, une marchandise unique en son genre dont l’achat rapporte de l'argent au lieu d’en coûter, une marchandise dont la consommation soit production au lieu d’être destruction, dont l’usage ne soit pas usure mais création. Or une telle marchandise existe : c’est, précisément, la puissance de travail. Le travail est en effet en son essance une activité de valorisation, une “activité qui pose de la valeur”. Acheter de la puissance de travail, c’est acheter un potentiel de valeur, que l’usage va réaliser : précisément parce qu’il a montré que c’est la puissance de travail qui est vendue, Marx peut montrer que la consommation de cette puissance est son actualisation, c’est-à-dire valorisation. En s’appliquant à un matériau, le travail lui procure en effet une valeur supérieure à la valeur qu’avait ce matériau initialement : il lui ajoute de la valeur, et on peut en cela nommer “valeur ajoutée” le résultat du travail. Le pain a une valeur supérieure à la farine, et la forme-pain constitue la valeur ajoutée par le travail du boulanger. En économie traditionnelle cependant, le producteur consomme son pain et détruit donc immédiatement sa valeur. L’usage du travail ne peut donc créer de la survaleur que si la valeur ajoutée n’est pas entièrement consommée par son producteur, si celui-ci n’en récupère qu’une partie.
astérix_al16pl4c3_faisonsLePartage La partie de la valeur ajoutée qui revient au travailleur est précisément le salaire, et le dispositif de production de survaleur repose dès lors sur la répartition de la valeur ajoutée en salaire (qui revient à l’employé) et survaleur (qui revient à l’employeur). Plus bas est le salaire, plus grande la survaleur.
astérix_al16pl4c4_VoiciPourMoi Si par exemple j’achète aujourd’hui des marchandises en [273] Chine pour les revendre en France, j’en retirerai un substantiel bénéfice alors même qu’il me faudra payer leur transport sur des dizaines de milliers de kilomètres : c’est qu'effectivement leur prix de revente est tellement supérieur à leur prix d’achat que le différentiel permet d’absorber le coût du transport. Or ce n’est évidemment pas leur voyage en mer qui a profité à mes marchandises, ce n’est pas le changement de climat qui leur révèle des qualités insoupçonnées : la différence de valeur est fondée sur la différence du coût du travail, et c’est le niveau extrêmement bas des salaires en Chine qui fonde la survaleur finale. Le processus de valorisation de la valeur repose sur l’augmentation au maximum de la survaleur, donc de la diminution au minimum de la masse salariale (que ce soit par le biais de salaires misérables comme en Chine, ou du chômage de masse comme en France) : la production de survaleur repose en cela sur l'exploitation du travail. »

Jean Vioulac, L’époque de la technique,
Marx, heidegger et l’accomplissement de la métaphysique,
Paris, Puf, 2009 (Épiméthée), 328 p., p. 269-271.
Vioulac-Technique

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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 18:41
« c) L'autovalorisafion de la valeur. — L’argent fonde la possibilité de la fusion de tous les travaux particuliers dans une substance commune, et l’autonomisation de cette substance par rapport aux travailleurs concrets : il est la substance même du travail universel abstrait en tant que celui-ci devient instance de production autonome. Reste à savoir comment ce travail universel abstrait déploie sa puissance, quelle est la logique de sa mise en œuvre. Or l’analyse des formes-valeurs a déterminé d’emblée la spécificité du système économique contemporain, qui est de produire des marchandises, c’est-à-dire des valeurs d’échange. Le salariat est la base d’une économie marchande, qui ne produit jamais que pour vendre les résultats de la production, et en retirer ainsi de l’argent. En économie traditionnelle, l’échange part d’une marchandise M dont le possesseur n’a plus l’usage, la convertit en argent A pour ensuite acheter une autre marchandise qui, elle, lui sera utile : l’échange est donc M1-A-M2. L’échange caractéristique de l’économie moderne consiste au contraire à partir d’une certaine somme d’argent, à l’investir en achetant des marchandises, pour à la fin obtenir de l’argent : l’échange est donc A-M-A'. L'argent acquiert donc le statut d’instance et de fondement du système de production quand il en constitue également la finalité. Or l’argent est quantité pure : se prendre [270] pour fin, pour l’argent, c’est rechercher un accroissement quantitatif.
Kitrby_Doom-Surfer Dans l’échange traditionnel, la fonction de l’argent n’est que celle d’équivalent, et par principe les marchandises échangées ont une même valeur : dans la formule M1-A-M2, on a toujours M1=M2. Si l'échange est utile en dépit de cette égalité, c’est que les marchandises sont ici en réalité des choses utiles, elles sont choses particulières entièrement définies par des qualités distinctes, qui diffèrent d’une chose à l’autre, et l’échange se fonde en dernière instance sur les besoins différents d’individus différents. L’économie contemporaine quant à elle n’échange pas des biens utiles, mais des valeurs, c’est-à-dire des quantités d’argent ; or n’importe quel billet de 20 € est strictement équivalent à un autre billet de 20 €, et leur échange est dénué de sens : l’échange n’est rentable que s’il permet un accroissement de la somme initiale. Dans la formule A-M-A', on a toujours A' > A, et le moteur de ce système de production est donc le différentiel entre A' et A, c'est-à-dire “cet incrément, l’excédent qui dépasse la valeur primitive” que Marx appelle “plus-value” ou plus littéralement “survaleur”. Cette découverte permet d’emblée d’identifier la spécificité de l’économie contemporaine, comme production de survaleur. En dépit des apparences, le système économique contemporain n’est pas un dispositif de production de biens de consommation, de choses utiles, il est un dispositif de production de valeurs, mu par une dynamique de “valorisation de la valeur” (Venvertung des Werts). Si donc l’argent détient la puissance collective du travail — parce qu’il la constitue comme puissance collective autonome —, il n’en use jamais que pour produire de la valeur, c’est-à-dire pour se produire lui-même et s’accroître lui-même. Que la richesse abstraite, la quantité d'argent, soit la finalité du dispositif de production constitue la spécificité du système : “Chez les Anciens”, notait ainsi Marx, “la richesse n’apparaît pas comme fin en soi [...] L’opinion ancienne selon laquelle l’homme apparaît toujours comme la finalité de la production, quel que soit le caractère borné de ses déterminations nationales, religieuses, politiques, semble d’une grande élévation au regard du monde moderne, où c’est la production qui apparaît comme la finalité de l’homme, et la [271] richesse comme finalité de la production.” (…) Dans ce type d'échange, “le commencement et la fin sont une seule et même chose, à savoir l'argent, la valeur d'échange, et pour cette seule raison le mouvement est sans fin” : le processus de production de valeur est donc une vis sans fin, une valorisation de la valeur qui ne rencontre jamais de limites. »
Jean Vioulac, L’époque de la technique,
Marx, heidegger et l’accomplissement de la métaphysique,
Paris, Puf, 2009 (Épiméthée), 328 p., p. 269-271.
Vioulac-Technique

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28 août 2009 5 28 /08 /août /2009 10:30

Thème Français-Philosopie 2009-2010
L'Argent

Œuvres au programme :

 

(1) Georg Simmel, Philosophie de l’argent, partie analytique, 3ème chapitre, sections 1 et 2.

Edition de travail : GF, n°1420 (5€80)

argent-Simmel


(2) Emile Zola, L’Argent.

Edition de travail : GF, n°1419 (6€50)

argent-Zola

 

(3) Molière, L’Avare.

Edition de travail : GF, n°1418 (3€)

 avare_Molière

 


Analyse du thème et des œuvres


L’Argent, France Farago, Gilles Vannier,

Edition Armand Colin, 2009

Rq : Cet ouvrage propose une bonne approche du thème et des références bibliographiques pour approfondir chaque œuvre. Il peut être utile de l’utiliser.

 

La priorité reste la lecture et la connaissance personnelle des œuvres au programme.

  

Bonne lecture ! 

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